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en le chassant, et alors, une nuit qu’il était ivre, agissant comme une brute, sans même se rendre compte de ce qu’il faisait, il avait mis le feu à la ferme, aux granges, aux meules de celui qui n’avait pas voulu de lui pour gendre.

Personne, heureusement, n’avait péri dans cet incendie.

Aussi, grâce aux circonstances atténuantes que lui avait accordées le jury, s’en était-il tiré avec une condamnation à quinze ans de travaux forcés.

Le jour où le hasard venait de lui donner Mourel pour compagnon de chaîne, en remplacement d’un vieux forçat mort à la peine, Rabot était à Toulon depuis déjà deux ans.

Sa conduite était bonne ; s’il n’avait encore été l’objet d’aucune faveur, c’est qu’il était complètement illettré et n’avait pas même un ces métiers manuels dontl’exercice procurait aux pensionnaires des bagnes une existence moins pénible, parfois même douce et facile.

Le récit de Pierre ne dura donc que quelques minutes.

— Et vous ? demanda-t-il à Jean, lorsqu’il eut terminé.

Et, comme le malheureux hésitait, l’incendiaire reprit bien vite :

— Oh ! vous n’êtes pas forcé de parler, mais ça viendra ! On ne peut guère rien se cacher l’un à l’autre, voyez-vous, quand on se tient de si près !

Il faisait sonner les anneaux de leur chaîne sur le pavé.

— C’est vrai ! répondit alors Mourel en tressaillant.