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Il avait, lui, dessiné la livrée maudite avant de l’endosser.

On comprend donc aisément avec quelle anxiété il interrogea du regard la physionomie et l’attitude de celui que sa chute lui donnait pour compagnon.

Mais il fut bientôt rassuré.

Les traits de ce condamné, de son âge à peu près, ne trahissaient pas une nature brutale, et sa voix fut presque douce lorsque, l’invitant à se rapprocher tout à fait par la seule tension de la chaîne qui les unissait, il lui dit :

— Eh oui ! c’est dur, camarade, mais vous vous y ferez ! Ah ! vous auriez pu tomber plus mal qu’avec moi !

Et l’entraînant à l’écart, c’était un dimanche, on se reposait, il lui raconta tout de suite son histoire, comme s’il eût hâte de le calmer complètement ; histoire des plus simples, semblables à tant d’autres drames dont les campagnes sont souvent le théâtre.

Il s’appelait Pierre Rabot, était Normand et avait vingt-cinq ans à peine.

Après avoir suivi jusqu’à sa douzième année l’école de son village, il était allé de ferme en ferme comme domestique, plutôt bon que mauvais sujet, travailleur, probe, mais quelque peu coureur et buveur. Il était arrivé ainsi au jour de la conscription qui, malheureusement pour lui, l’avait épargné, comme fils aîné de veuve, et il était entré en qualité de garçon de labour chez un riche paysan des environs de Valognes.

Là, il avait eu la mauvaise chance de devenir amoureux de la fille de la maison ; on la lui avait refusée