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casaque rouge toute tournure mondaine, marchait côte à côte, rivé à lui, avec un ancien garçon d’écurie ; un mauvais prêtre, brebis galeuse chassée du troupeau avant même que la cour d’assises s’en fût emparée, suivait, l’air paterne, les yeux baissés, le front hypocrite, le teint blême, un grand gaillard qui, d’un ton moqueur, psalmodiait des cantiques à son oreille.

On rencontrait, ici des hommes jeunes traînant à leur remorque, brutalement, des vieillards, sinon par l’âge, du moins par la fatigue et le dépérissement ; là des forçats de cinquante ans, robustes, bestiaux, vieux pensionnaires du bagne et suant le vice, conduisant par leur chaîne, comme s’ils fussent des esclaves à eux, des nouveaux venus, des coupables d’hier, en quelque sorte des enfants, qu’ils s’efforçaient cyniquement de façonner à l’infamie.

Et tout cela sous les yeux des gardes-chiourme qui riaient ou faisaient la sourde oreille, remplis d’indulgence pour tous ceux dont ils tiraient profit.

Car, à cette époque, sauf la liberté, les forçats, grâce à la complicité de leurs surveillants subalternes, pouvaient tout acheter : et ils pouvaient aussi tout faire, pourvu qu’il payassent.

Or, bien que le règlement n’autorisât aucun d’eux à avoir plus de dix francs à la fois, bon nombre de ceux qui travaillaient dans les bureaux ou pour les bazars avaient toujours en leur possession des sommes d’une certaine importance.

Jean Mourel n’ignorait rien de ces choses ; la promiscuité des bagnes, il en connaissait toutes les horreurs pour les avoir lues dans quelques-uns des livres mêmes qua’il avait illustrés.