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le centre de la France à la Méditerranée et à l’Océan n’existant pas encore, les condamnés faisaient leur voyage dans des voitures cellulaires.

Ces voitures étaient à peu près ce qu’elles sont aujourd’hui : de grandes caisses suspendues et divisées en douze compartiments, dont l’un réservé au brigadier de gendarmerie chargé de surveiller les prisonniers.

On s’explique facilement quelles horribles pensées accablaient ceux qui, dans ces cellules étroites, devaient garder le silence et une immobilité relative, puisqu’ils pouvaient seulement se tenir debout ou assis et s’en allaient vers le terrible inconnu du bagne.

Lorsque ces voitures contenaient des récidivistes, des chevaux de retour, comme disent les forçats, que Toulon, Brest ou Rochefort avaient déjà vus, ceux-là regrettaient certainement la chaîne d’autrefois, avec laquelle la route était plus longue, plus infamante encore, il est vrai, mais aussi moins monotone, plus gaie pour ceux qui, se souciant fort peu de la honte qu’ils recueillaient en chemin, ne songeaient qu’à jouir du grand air et à récolter les aumônes qu’ils savaient obtenir par leurs lazzis ou leurs plaintes simulées.

Mais Jean Mourel lui, n’était ni un cynique ni un désespéré. Le lendemain même de sa condamnation, en quelque sorte, il en avait pris son parti, et quand il fut enfermé dans son cachot roulant, il ne songea au passé que pour maudire sa femme, et à l’avenir que pour se promettre de manœuvrer le plus habilement possible, de façon à le rendre moins douloureux à supporter.