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J’ai fait mon temps j’ai payé ma dette, selon l’expression des gens de loi ; de plus, j’ai changé de nationalité ; je suis devenu citoyen américain. Par conséquent, si vous tentiez de me jouer quelque mauvais tour, grâce aux puissantes relations que vous devez avoir, vous perdriez votre peine et m’autoriseriez à me montrer fort exigeant. La seconde, c’est que je n’ignore rien de votre passé, ni de votre situation sociale actuelle.

Si menaçantes, si terribles que fussent ces paroles de l’ancien forçat, la mère de Claude sut rester maitresse de sa terreur. Son mari, qui ne la quittait pas du regard, ne surprit aucun tressaillement sur son visage.

Alors il poursuivit :

— Oui, je sais tout ce que vous avez fait depuis vingt ans. Oh ! je ne songe pas à vous reprocher la vie joyeuse que vous avez menée pendant que je luttais contre les supplices du bagne et le climat meurtrier de Cayenne. Votre époux, si vite et si complètement oublié, ne vous demande aucun compte. Vous étiez jeune, jolie et, bien que votre jeunesse et votre beauté m’appartinssent, vous en avez usé à votre profit. Vous avez bien fait ! Ne craignez donc rien d’une jalousie rétrospective qui ne serait que ridicule.

Heureusement que la voûte de feuillage plongeait l’avenue dans une demi-obscurité, car à ces mots qui lui rappelaient les pages honteuses de son existence parisienne, Geneviève n’avait pu s’empêcher de rougir, Cependant, faisant un effort surhumain, elle dit à Jean, d’une voix sèche et impérative :

— Enfin, que voulez-vous ?