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Non, cela ne pouvait être ! Le devoir, l’honneur, ses sentiments les plus intimes eux-mêmes, tout lui ordonnait de ne pas déserter son poste de combat. Il resterait, lutterait, serait le plus fort et, s’il finissait par succomber à la peine, il aurait du moins rempli sa tâche jusqu’au bout !

Et d’ailleurs, est-ce que l’homme digne de ce nom ne sait pas se vaincre ! Eh bien ! soit, il aimerait la duchesse, il l’aimait ; mais elle l’ignorerait toujours, et c’est dans cet amour même qu’il puiserait des forces pour la protéger !

Après avoir fait ainsi, sans pitié, cruellement, l’autopsie de son cœur, Guerrard se sentit plus calme, et lorsque, quelques jours plus tard, il se rendit à Verneuil, il avait si bien fait provision de courage avant d’y arriver, qu’il sut ne pas trembler quand la jeune femme l’accueillit avec son plus affectueux regard et que le soir, en la quittant à la gare de Mantes, où elle avait voulu le conduire avec sa mère, à pied, tant la nuit était belle, il lui baisa la main, sans trahir par un frisson le bonheur qu’il emportait.

Quant à Mme Frémerol et à sa fille, qui ne se doutaient ni l’une ni l’autre de l’existence scandaleuse de M. de Blangy-Portal, — Claude n’avait pas dit un mot à sa mère de la signature qu’elle avait donnée chez Me Andral, — elles vivaient dans un bonheur complet, tout à l’enfant qui commençait à les connaître et à leur sourire. Elles ne craignaient que le retour du duc, qui mettrait fin à leur réunion ; elles n’allaient presque jamais à Paris et ne recevaient personne, sauf le docteur, la supérieure du couvent et le curé de Verneuil.