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Ses traits fatigués trahissaient plus encore peut-être que la déformation de sa taille l’état avancé de sa grossesse. En effet, elle en avait atteint le huitième mois, et bien que sa santé générale permît d’espérer qu’elle franchirait sans danger cette grande épreuve de la délivrance, sa physionomie était inquiète, ses lèvres n’avaient plus que de tristes sourires, et ses grands yeux, aux regards si doux, semblaient cernés plus encore par les larmes versées en secret que par les souffrances de l’œuvre de maternité qui s’accomplissait en elle.

La vérité, c’est que la duchesse redoutait plus encore qu’elle ne l’avait laissé voir à Guerrard l’isolement à l’heure de ses couches, non pas qu’elle craignît d’être la victime de quelque grave accident, mais parce que l’impossibilité d’avoir sa mère auprès d’elle la peinait et l’humiliait, en la forçant de se souvenir des motifs qui fermaient à Mme Frémerol les portes de l’hôtel ducal.

Depuis qu’elle était mariée, elle avait acquis tout naturellement l’expérience de bien des choses, une fois, entre autres, dans une circonstance particulièrement douloureuse.

Un jour qu’elle avait emmené au bois, dans son landau, Mme de Travène, elle avait croisé le coupé de sa mère, et la baronne, jalouse de tous et de tout, s’était écriée :

— N’est-ce pas scandaleux de voir pareilles créatures vivre dans un tel luxe !

La pauvre Claude, feignant de ne pas comprendre à qui s’adressait cet outrage, n’avait pas répondu, mais le trait lui était resté au cœur, et depuis ce moment-