Page:René de Pont-Jest - La Duchesse Claude.djvu/163

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rue de Lille, il ne lui dit pas un mot de sa visite de la veille au Cercle impérial, mais il aborda tout de suite la seule question qui, pour l’heure, le préoccupât réellement.

C’est que les sentiments de Guerrard pour la duchesse se modifiaient de jour en jour.

Après n’avoir eu pour elle que cette sorte d’affection paternelle qu’éprouvent souvent les médecins pour les petits malades qu’ils ont soignés dans des circonstances graves, il s’était intéressé de cœur à cette jeune femme mariée par son intermédiaire et, la pensant heureuse et fière de son rang, il en avait été lui-même fier et heureux, cela étant son œuvre ; mais depuis qu’il supposait que ce bonheur n’était pas complet, qu’il pouvait être troublé, que M. de BlangyPortal était peut-être indigne de la compagne adorable dont la fortune l’avait sauvé de la misère dorée, la plus douloureuse de toutes les misères, il pensait constamment à Claude, se sentait envahi par une sorte de remords, et se reprochait d’avoir aidé Mme Frémerol à atteindre son but ambitieux.

N’eût-elle pas mieux fait, se disait-il, d’attendre que quelque honnête homme devînt épris de sa fille et l’épousât seulement pour sa beauté ?

Est-ce que, mariée dans ces conditions, la charmante jeune femme aurait eu à craindre qu’on la séparât complètement de sa mère et qu’on l’humiliât, en lui jetant le passé de celle-ci au visage ?

Tout à cette idée, le docteur ne se demandait pas si un honnête homme, noble ou roturier, aurait pu accepter, non pas l’état-civil irrégulier de Claude, on ne pouvait le lui reprocher, mais sa fortune, dont la source était bien difficile à dissimuler.