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Elle demeurait donc dans une quiétude absolue et ne cherchait pas à savoir.

En agissant ainsi, la jeune femme n’obéissait pas qu’à sa timidité, à son tempérament, à son caractère plein de confiance, elle suivait aussi les conseils de sa mère, qui lui avait dit à Verneuil, quelques jours avant son mariage :

« Tu vas entrer dans un milieu où certaines vertus bourgeoises ne sont pas de mise, mais parfois deviennent au contraire des ridicules. Il faut en quelque sorte y dissimuler ses affections trop vives, même les plus légitimes. Un mari du nom et de la situation du tien, a des obligations mondaines dont souvent il ne peut s’affranchir. Il n’est pas permis à un grand seigneur de ne vivre que pour les siens, il se doit aux uns et aux autres. Il faudra donc laisser à M. de Blangy-Portal la plus grande liberté, ne pas t’inquiéter outre mesure de ses relations et, quand tu auras à te plaindre de lui, — cela arrive dans les meilleurs ménages, — c’est avec une extrême prudence que tu devras t’y prendre pour le ramener à toi.

« Pour les femmes, c’est, auprès des hommes, un grand tort que d’avoir raison. Garde-toi qu’on puisse lire le lendemain sur ton visage le chagrin que tu as eu la veille. Les fronts soucieux, les yeux rougis par les veilles ou les larmes, les traits fatigués par l’inquiétude, ce sont des reproches indirects qui éloignent ceux qui se sentent coupables et dont l’orgueil refuse de s’abaisser en demandant pardon.

« Enfin, n’aime pas ou tout au moins ne trahis jamais que tu aimes plus que tu n’es aimée. Ne sois ni trop indifférente, ni trop curieuse, ni trop