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sentir plusieurs fois lorsque tu auras accepté la main du galant homme que je te destine, nous ne nous verrons pour ainsi dire plus.

— Mère ! supplia la jeune fille.

— Ne m’interromps pas. Je n’aurai peut-être plus jamais le courage de t’apprendre tout ce que le devoir et mon affection m’ordonnent de te faire connaître. Nous sommes, toi et moi, dans une situation sociale qui nous commande des sacrifices mutuels. Ton père m’a abandonnée sans me donner son nom ; celui que tu portes est mon nom de famille. Quant à la fortune que je possède et qui me permet de te doter princièrement, si elle est inattaquable aux yeux de la loi elle ne vient pas moins d’un ami qui l’avait honnêtement acquise, mais n’était ni ton père ni mon époux. Plus tard, lorsque la triste expérience de la vie te sera venue, tu me comprendras tout à fait. Alors, je l’espère, tu me pardonneras !

— Je t’en conjure, ne me parle pas ainsi. Est-ce qu’il m’appartient de te juger ! Est-ce que je puis savoir de toi autre chose que ta tendresse ! Jamais je ne me marierai, si c’est au prix d’une séparation entre nous… quand même on m’offrirait de devenir duchesse de Blangy-Portal !

Mme Frémerol ne put s’empêcher de tressaillir ; pour se donner des forces, elle pressa plus étroitement encore son enfant sur son cœur, et saisissant la balle au bond, elle reprit tout de suite :

— Eh bien ! ma Claudine, c’est précisément le duc de Blangy-Portal qui nous fait l’honneur de demander ta main.

La jeune fille se rejeta en arrière, en étouffant un cri de stupeur.