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depuis près d’une heure peut-être, plus occupé certainement de l’orage qui grondait en son cœur que de celui qui menaçait l’Espérance, lorsqu’il sentit qu’une main s’appuyait sur son bras.

C’était celle de Gabrielle.

— Vous ! dit-il, en l’aidant à se soutenir auprès de lui.

— Oui, répondit la jeune fille ; ma mère, fort effrayée, s’est jetée sur son lit ; selon sa coutume, elle va faire son possible pour dormir jusqu’à ce que le beau temps soit revenu. Moi, j’ai voulu voir. Je ne connais pas de plus sublime spectacle que celui de la tempête.

— Vous n’avez pas peur ?

— Je n’ai peur de rien, surtout près de vous !

Et comme elle avait levé ses grands yeux sur lui, Paul put s’assurer que le visage de Gabrielle n’avait jamais été ni plus calme ni plus souriant.

— D’ailleurs, continua-t-elle, pourquoi craindrais-je la mort ? Dieu ne pourra jamais me rappeler à lui dans un meilleur moment. Quelle plus belle tombe que cette immensité serait-il possible de rêver !

Mademoiselle Berthier, en se laissant aller au roulis, s’était inclinée sur l’abîme comme si elle y fût attirée par le vertige.