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— Vous ne me devez aucune reconnaissance, répondit la jeune fille avec une légère ironie. Vous m’aviez confié les motifs de votre voyage en France ; c’eût été de ma part une bien mauvaise action que d’y mettre obstacle. J’ai alors cédé à votre prière, qui, d’ailleurs, n’avait rien que de flatteur et d’honorable pour moi.

— Ainsi, poursuivit le créole péniblement ému, c’est par devoir, par pitié seulement que vous ne me repoussez pas ?

— Seulement ! murmura Gabrielle.

— Mon amour ne vous a pas touchée ? Vous ne m’aimez pas ; vous ne m’aimerez jamais ?

— Jamais !

Mademoiselle Berthier avait prononcé ce dernier mot si bas, qu’on eût dit qu’elle s’était répondue à elle-même plutôt qu’à son interlocuteur ; mais Paul, qui avait saisi cet arrêt au passage, répétait en étouffant ses soupirs :

— Jamais ! jamais !

Les passagers étaient rentrés dans leurs cabines ; madame Berthier, qui s’inquiétait peu des faits et gestes de sa fille, dormait déjà peut-être ; le silence n’était troublé à bord que par le bruit des pas réguliers de l’officier de quart, se promenant du grand mât à la porte de la chambre, et les gémis-