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fidèle, dont les hourras enthousiastes remerciaient la cantatrice, pendant que Paul, la tête en feu, le cœur oppressé, se cachait dans quelque coin bien sombre, pour être tout entier à son amour et à son ivresse.

La soirée terminée, lorsque le silence n’était plus troublé à bord que par les sifflements de la brise à travers les cordages et les grincements du gouvernail ; lorsque l’officier de quart, le timonier et les hommes de bossoir seuls veillaient, M. du Longpré s’accoudait sur le couronnement du clipper, et là, les yeux dans l’infini, il passait de longues heures, donnant, à cette passion qui s’était emparée de lui, tout son cœur, toute son imagination, tous ses sens, toute son âme, et se demandant avec désespoir s’il serait jamais aimé.

Il était jeune, riche, libre, et son honnêteté aussi bien que son respect pour Gabrielle lui interdisait à son égard toute mauvaise pensée ; il était donc prêt à en faire sa femme, la compagne adorée de sa vie ; mais, se croyant indigne d’elle, craignant d’être repoussé, il préférait l’incertitude, avec ses tortures et ses joies, à la perte de ses espérances.

Et cependant la jeune fille était toujours bonne et gracieuse pour lui. Chaque matin, chaque soir,