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leine, Satan n’aurait eu besoin que de faire exécuter à la pécheresse repentante une traversée de trois mois.

Le marin par état supporte, lui, plus patiemment cette existence excitante. D’abord, il y est fait dès l’enfance ; de plus, il a ses occupations, sa responsabilité, ses inquiétudes, qui satisfont son esprit et son corps. En lui, l’équilibre moral et physique est moins aisément rompu. Il dépense chaque jour ce qu’il acquiert. Son service actif terminé, il travaille, fume ou dort. Rarement il rêve, et il est bien qu’il en soit ainsi, car la vie serait pour lui une véritable torture, qui de l’hypocondrie le mènerait rapidement au suicide.

Nos lecteurs peuvent donc se rendre compte de l’état dans lequel se trouvaient les esprits à bord de l’Espérance, quinze jours après son départ de l’île Bourbon.

Profondément touché du malheur des dames Berthier, malheur dont il ignorait les véritables causes puisque leur passé lui était absolument inconnu, Paul du Longpré s’était montré pour elles plein de prévenances et d’attentions, et la dignité avec laquelle Gabrielle avait reçu ses avances ne l’avait pas moins attiré vers elle que son irrésistible beauté.