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manda la sœur de M. Morin dont le sourire disparut instantanément.

Gabrielle avait fixé ses grands yeux interrogateurs sur Me Duchemin. Sa physionomie restait calme, mais on eût dit, à la crispation de ses lèvres, qu’elle devinait déjà ce dont il allait être question.

— Mon Dieu ! madame, poursuivit l’exécuteur testamentaire du vieux colon, la faute en est à moi, car j’aurais dû me hâter moins de vous écrire. Je vous aurais ainsi évité une déception des plus pénibles.

— Une déception ? je ne vous comprends pas.

— C’est cependant facile à comprendre, ma mère, interrompit sèchement Gabrielle. Monsieur a mal saisi le sens du testament de votre frère : ce n’est pas nous qui sommes ses héritières ! N’est-ce pas, monsieur, que c’est cela ?

Celui auquel s’adressaient ces derniers mots baissa la tête en poussant un soupir, expression de regret et de soulagement tout à la fois. L’aveu était fait sans qu’il l’eût fait lui-même.

— Tu es folle, Gabrielle ! s’écria madame Berthier, dont les regards désespérés allaient du notaire à sa fille. Voyons, monsieur, expliquez-vous !

Comprenant qu’il ne pouvait parler plus longtemps par énigme et reprenant tout à fait courage,