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que tout le monde, madame Berthier ; mais si je suis la fille de M. Berthier, capitaine de frégate, mort dans les mers de Chine, je ne suis que son enfant reconnu ; mon père n’avait pas donné son nom à mademoiselle Morin. Son intention était de le faire plus tard, il l’avait confié à un de ses amis, M. de Martry, aujourd’hui capitaine de vaisseau et à la mer. C’est lui qui a été l’exécuteur testamentaire de mon pauvre père et mon tuteur ; mais, en raison des circonstances particulières dont avait été précédée sa liaison avec ma mère, M. Berthier avait craint sans doute de l’épouser pendant qu’il était encore au service. Il avait résolu d’attendre qu’il eût pris sa retraite pour régulariser cette situation douloureuse. Tu vois bien, Paul, que j’avais raison d’avoir peur ; tu ne me réponds pas !

Il serait impossible de rendre l’indicible accent d’amour et de résignation avec lequel la jeune femme avait prononcé ces derniers mots.

Les deux mains sur les épaules de M. du Longpré toujours agenouillé devant elle, les yeux humides et les lèvres entr’ouvertes, tout son être semblant frissonner de crainte, on eût dit qu’elle n’attendait qu’un mot de Paul pour en vivre ou en mourir.