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M. Meyrin ne devient pas votre mari, je le tuerai. Adieu, madame, que le ciel vous pardonne !

Ces mots prononcés, le prince se leva, salua sa femme et sortit, sans se retourner.

Lise, qui s’était soulevée machinalement, retomba sur son siège.

Elle s’attendait à tout de la part de son mari, mais non pas à cette étrange solution qu’il venait de lui imposer avec le calme d’un opérateur fouillant une plaie de son scalpel.

Affolée, elle sonna pour donner l’ordre à son valet de pied d’aller prier M. Paul Meyrin de venir la trouver immédiatement.

Puis, pendant qu’elle attendait son amant, elle fit un prompt retour sur le passé, pour se rappeler avec terreur le chemin qu’elle avait si rapidement parcouru depuis un an. Elle revit sa jeunesse, sa cour d’adorateurs à Saint-Pétersbourg, son mariage princier, les fêtes dont elle avait été la reine à Pampeln. Elle songea à sa mère, dont tout l’échafaudage ambitieux allait ainsi s’écrouler et qui ne lui ménagerait pas ses reproches ; et soudain aussi, pensant à son fils qu’elle ne reverrait plus, elle allait peut-être s’écrier : Non ! jamais ! lorsque Paul entra brusquement, sans s’être fait annoncer.

Le peintre était pâle, inquiet, véritablement ému. Sa beauté mâle n’en avait que plus d’éclat. La princesse en fut frappée et, subitement reconquise par cet entraînement charnel qui la dominait, elle s’élança vers lui.

Il la reçut dans ses bras, l’emporta comme il l’eût fait d’un enfant, l’étendit sur la chaise longue et, s’agenouillant devant elle, l’interrogea du regard.

— Eh bien ! c’est fini, répondit-elle, après s’être enivrée un instant de ce contact qui lui enlevait toute énergie : c’est tout à fait fini entre le prince et moi. C’est lui-même qui le veut ; je vais devenir ta femme.

— Ma femme ! fit-il, avec un mouvement de stupeur.

— Oui, ta femme ! Le prince et moi nous allons divorcer et je t’épouserai. À cette condition seule, nous ne serons pas séparés. Mon mari se conduit, du reste, en galant