Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jugement prononcé contre vous serait un désaveu de ma paternité. Tandis que si c’est moi qui deviens l’accusé devant le Saint-Synode, c’est moi qui serai condamné au célibat, pendant que vous, vous continuerez pour tous à être un honnête femme, sous le nom de Mme Meyrin.

À ces deux seuls mots : « Mme Meyrin », la fille de la comtesse Barineff sentit comme une vague épouvante envahir tout son être. À travers son étonnement, il se faisait rapidement en son esprit une comparaison entre le passé et l’avenir que lui imposait son mari. Paul Meyrin n’était plus l’amant qui la dominait par les sens, l’homme dont la femme était charnellement éprise, c’était déjà l’époux, le maître, celui qu’on voit à toute heure, hors des moments où la passion fait aveugle.

Sans se rendre bien compte du sentiment qui s’éveillait si brusquement en elle, Lise avait peur. Pour ne pas se trahir, elle eut besoin de faire appel à tout son orgueil, à toute sa volonté ; mais le prince l’avait sans doute devinée, car il continua d’un ton mordant et ironique :

— Rien, du reste, ne pourra s’opposer à votre mariage avec M. Paul Meyrin, puisqu’il est d’un pays dont les lois autorisent le divorce. Vous voudrez donc bien lui faire connaître ma volonté, et lorsque nous serons d’accord sur la question principale, je vous indiquerai la marche à suivre pour me prendre en faute et introduire votre demande devant le Saint-Synode. Quant à votre fortune personnelle, le lendemain même du jour où le divorce sera prononcé, mon notaire vous en remettra tous les titres ; vous en deviendrez maîtresse absolue. Je m’abstiens même de vous donner le moindre conseil à l’égard des dispositions que vous aurez à prendre pour sauvegarder votre avenir. En vous épousant, je vous ai donné mon hôtel de la Moïka. Il restera votre propriété, mais comme je vous interdis de revenir jamais en Russie, vous ferez bien de vendre cet immeuble. Je pense vous avoir tout dit jusqu’à nouvel ordre ; il ne me reste maintenant qu’à attendre votre réponse à mon ultimatum. Mais souvenez-vous : si, pour quelque cause que ce soit,