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— Madame, bien que cela ne me paraisse pas absolument indispensable, car je vous trouve beaucoup moins émue que vous le pourriez être, je tiens cependant à vous confirmer ce que je vous ai écrit hier soir. Je ne viens vous adresser aucun reproche, quoique vous ayez brisé ma vie ; je ne viens vous faire aucune scène, quoique la loi russe, comme la loi française, me donne sur vous tous les droits, même celui de vous tuer, si je vous surprenais en flagrant délit d’adultère, ce qu’il ne m’eût pas été difficile de faire, vous devez le reconnaître. Cet acte de justice ne serait, selon le Code, qu’un crime excusable. Mais n’ayez nulle crainte. Si un instant, là-bas, lorsque la nouvelle de votre inconduite m’est arrivée comme un coup de foudre, j’ai songé à vous punir, c’est que le souvenir du passé avait soulevé ma colère. Aujourd’hui, le calme s’étant fait en mon cœur et dans mon esprit, je viens vous imposer le seul moyen de mettre un terme au scandale de votre existence actuelle.

À ces mots seulement, la princesse leva les yeux. Jusqu’à ce moment, elle était restée le visage caché dans ses deux mains, ce qui lui avait permis de dissimuler l’humiliation que lui faisait éprouver le ton de son mari.

Pierre Olsdorf continua :

— J’ai si bien la certitude de votre soumission que je ne vous fais pas entrevoir le danger qu’il y aurait pour vous à tenter la moindre révolte contre ma volonté. Après avoir pris en Russie, M. Paul Meyrin pour amant, vous êtes venue le rejoindre à Paris parce que vous étiez enceinte de ses œuvres.

À ces mots si nets, si précis, Lise ne put réprimer un mouvement de réelle épouvante, et peut-être allait-elle essayer de nier ; mais le prince l’arrêta d’un regard sévère et lui dit :

— Ne tentez pas de me tromper. Ce serait une infamie ajoutée à votre faute déjà si grande. Si je vous parle comme je le fais, c’est qu’il ne saurait y avoir dans mon esprit l’ombre d’un doute, doute qui serait une épouvantable torture. Mais j’ai rapproché les circonstances ; j’ai groupé des faits qui m’avaient semblé sans importance à