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— C’est une lettre du prince, répondit-elle.

— Eh bien ! Qu’y a-t-il là d’extraordinaire ?

— Elle ne m’arrive pas par la poste. Voyez, elle ne porte aucun timbre. C’est un commissionnaire qui l’a apportée, à la maison. Donc mon mari est à Paris. Il a quitté Saint-Pétersbourg sans me prévenir ; je suis perdue !

Paul lui-même était devenu fort pâle.

Il s’était bien dit parfois que le prince finirait par s’étonner du long séjour de sa femme en France, et qu’en cherchant un peu, il arriverait aisément à savoir que ce n’étaient pas précisément les soins nécessaires à sa santé qui la retenaient loin de la Russie, mais, ainsi que l’homme irrésolu qui n’ose pas regarder le danger en face, l’artiste n’avait pas voulu arrêter son esprit sur les conséquences possibles de ses amours avec une femme mariée, et maintenant que le dénouement était proche, il tremblait.

— Lisez d’abord, dit-il d’une voix étranglée.

Le rideau venait de tomber sur le finale du premier acte du Pré aux Clercs ; la princesse quitta son fauteuil et, s’imaginant que c’était seulement pour elle que son amant avait peur, elle lui serra la main, puis, d’un mouvement fiévreux, elle ouvrit la lettre. Elle ne se composait que de ces quelques lignes :

« Informé, madame, du véritable motif de la prolongation de votre voyage à Paris, je viens vous y retrouver, non pour vous contraindre à réintégrer le domicile conjugal, mais pour vous imposer le seul dénouement possible, selon moi, à la situation que vous avez créée. Désirant, en conséquence, vous voir au plus tôt, je me présenterai chez vous demain matin, à onze heures.

« Ne craignez ni scènes, ni reproches. Ce n’est pas à l’époux outragé que vous aurez affaire, mais seulement au père qui ne veut pour son fils ni d’une mère compromise, ni d’un nom déshonoré.

« Prince Pierre Olsdorf. »

Après avoir relu plusieurs fois ce billet qui, par son