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— Veux-tu me confier Véra ?

— Vous confier Véra !

— Pour l’emmener à Paris.

Le paysan avait pâli : la tendresse du père luttait en lui avec son dévouement aveugle pour le prince. Jadis déjà, il l’avait supplié de ne pas lui prendre sa fille pour la placer au château. Et il ne s’agissait plus maintenant d’un éloignement de quelques lieues, mais d’un long voyage. Il hésitait.

— Voyons, décide-toi, reprit Pierre Olsdorf, j’ai besoin de Véra ; elle seul, avec ton autorisation, peut me rendre un service immense !

— Un service immense ! Vous allez rejoindre Mme la princesse ?

— Oui, je vais la retrouver en France et il faut que j’arrive après d’elle avec une jeune fille pure, intelligente et belle comme ta fille !… Ah ! Soublaïeff, je suis bien malheureux !

Le triste sourire avec lequel le gentilhomme avait prononcé ces mots troubla davantage encore le vieux serviteur, mais à la vue des traits bouleversés de ce maître généreux auquel il devait tout, ses hésitations disparurent et il lui répondit :

— Emmenez Véra, mon prince, mais permettez-moi de vous rappeler que c’est mon enfant adorée, et que c’est à l’honneur des Olsdorf que l’ancien serf confie son honneur.

— Je ne l’oublierai pas. Fais venir ta fille.

Celle-ci accourut au premier appel de son père, et, comme elle en avait l’habitude, se courba sur la main du prince pour la baiser ; mais Pierre l’attira à lui et l’embrassa chastement au front.

En quelques mots Soublaïeff mit sa fille au courant de ce qui venait d’être convenu entre le maître et lui. Véra, rouge de plaisir, s’inclina en répondant d’une voix émue :

— Mon père, je suis prête à vous obéir.

À son étonnement se mêlait, sans peut-être qu’elle s’en rendît compte, la curiosité toute naturelle d’une fille d’Ève. Elle était désolée de quitter son père ; mais