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elles affectaient de ne rien voir d’étrange dans ce qui se passait. La princesse Olsdorf, femme mariée, était venue faire ses couches à Paris ; quoi de plus naturel ? Si elles avaient laissé supposer qu’elles en savaient davantage, il leur aurait fallu rompre avec cette femme généreuse et charmante. Leur hypocrisie et leur intérêt leur commandaient de fermer les yeux. Elles s’étaient rendues aveugles.

Quant à Paul, il ne manquait pas un seul jour de venir voir Lise et il se montrait pour elle rempli de prévenances et d’attentions, mais parfois il abrégeait ses visites. Si, par le fait de son état de santé, la jeune femme était devenue moins passionnée, mais plus tendre ; si son amour, à elle, s’était pour ainsi dire purifié dans la maternité qui l’absorbait, celui du peintre, qui n’avait pas la même raison de se transformer, se refroidissait, incapable qu’il était de tendresses idéales et de satisfactions immatérielles. Pour l’amant, Lise Olsdorf cessait momentanément d’être la maîtresse lascive, inassouvie, affolée ; pour l’artiste, elle n’était plus la Diane aux formes sculpturales qu’il avait produites.

C’était une créature souffrante, dans une situation difficile, aux prises avec un événement qui pourrait leur causer à tous deux les plus grands ennuis. À cet enfant qui allait naître, M. Meyrin pensait fort peu, le sens de la paternité lui manquant tout à fait. Certes il ne songeait pas à le renier et l’aimerait sans doute, mais il l’attendait sans impatience, fort inquiet de ce qu’il adviendrait de tout cela, préoccupé de la prochaine arrivée à Paris du prince Olsdorf, en présence de qui il se souciait peu de se trouver. Dès ce jour, il chercha des distractions ; plus que jadis, il visita ses confrères, et la fatalité le mit un jour, chez l’un d’eux, en face de Sarah Lamber, qu’il n’avait pas revue depuis leur rupture.

Un instant interdit, Paul voulut faire bonne contenance et, le sourire sur les lèvres, il dit à la jeune fille, en lui offrant la main :

— Voilà, ma chère Sarah, une charmante rencontre à laquelle je ne m’attendais pas.