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Mme Frantz ne semblait pas supposer que cela pût jamais changer.

Cette sujétion, dans laquelle il était tenu et dont il n’osait même tenter de s’affranchir, décida Paul à ouvrir l’oreille un beau matin aux propositions du comte Barewski. Il avait fait de la comtesse Barewski un portrait en pied d’une certaine valeur, et son mari lui avait persuadé que, s’il voulait l’accompagner à Saint-Pétersbourg, il y recevrait dans la haute société, un accueil qui se traduirait rapidement par une importante récolte de roubles.

Le peintre s’était empressé de faire part à sa famille de ses projets de voyage et sa belle-sœur Barbe avait tout d’abord jeté de grands cris, mais quand son beau-frère lui eut dit quel devait être le résultat financier de son excursion, elle avait consenti à son départ. Il avait alors pris le chemin de la Russie en compagnie du compte Barewski.

Dans un précédent chapitre, nous avons vu de quelle réception flatteuse le jeune artiste avait été l’objet de la part de bon nombre de grands seigneurs russes, notamment de la part du prince Olsdorf, et nous savons quelles étaient, pour l’honneur de l’époux de Lise Barineff, les conséquences de l’hospitalité qu’il avait si gracieusement offerte à Paul Meyrin en Courlande.

Précédons maintenant de quelques jours la princesse à Paris, où Paul, quelque promesse qu’elle lui eût faite, ne s’attendait pas à la voir arriver aussi vite.

Il s’était bien établi, entre les deux amants, dès le lendemain de leur séparation, une correspondance régulière, mais ils n’avaient pu se dire par la poste tout ce qu’ils pensaient. Mis au courant par sa maîtresse des us et coutumes du gouvernement russe, Meyrin savait que toutes les lettres, qu’elles arrivassent ou partissent, pouvaient être arrêtées à la frontière et lues par des employés dont l’indiscrétion était à craindre. Ils avaient donc été forcés tous deux de s’écrire avec la plus grande réserve, et si habiles que leur amour les rendît à lire entre les lignes affectueuses mais prudentes qu’ils s’é-