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écouté les déclarations poétiques d’un écrivain de troisième ordre. Son imagination et son inexpérience aidant, elle avait succombé, était devenue grosse, avait tout avoué à son mari, et M. Daubrel, au lieu de se venger brutalement, s’était adressé aux tribunaux, qui avaient prononcé sa séparation de corps et de biens. Après avoir rendu sa dot à l’épouse adultère, il était parti pour l’étranger, en emmenant le fils que sa femme lui avait donné avant sa faute.

Trois mois plus tard, Mme Daubrel avait mis au monde une fille qui ne devait vivre que quelques semaines, été, revenue de ses illusions, elle avait rompu avec son séducteur, puis était rentrée chez sa mère, douce, résignée, ne parlant de son mari qu’avec le plus grand respect, décidée à expier le passé par une conduite irréprochable en tous points. Elle s’était complètement isolée et ne voyait guère que les Meyrin. Elle avait été l’une des premières élèves de Mme Frantz, à l’époque où celle-ci, en arrivant à Paris, avait dû donner des leçons de piano pour augmenter les ressources de la famille. Avec une indulgence dont on pouvait la croire peu capable, Mme Meyrin excusait, plaignait la pauvre femme et l’aimait beaucoup.

Quant à Paul, son indolence native, sa mollesse, ce milieu dans lequel il vivait, tout cela avait une influence fâcheuse sur son talent. Il était à craindre qu’il ne sortît pas du genre qu’il avait adopté à son début et qu’il restât un peintre agréable de femmes et d’enfants, fidèle aux tons bleus et roses.

Cependant, il réussissait, surtout dans la colonie russe.

Les commandes se succédaient et on commençait à le payer très convenablement, à la joie de Mme Meyrin, qui s’était faite son intendant et son caissier. En sorte qu’à vingt-cinq ans, l’artiste était encore à peu près en tutelle. Il avait bien son atelier sur le boulevard de Clichy, à quelques pas de la rue de Douai, mais il habitait toujours en famille. Sa belle-sœur n’eût pas supporté qu’il en fût autrement, car son éloignement aurait privé le ménage Meyrin d’une part intéressante de ses revenus. Or