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fixer là où il rencontrerait quelque chance de faire fortune, ou tout au moins de se tirer d’embarras. Après s’être fait entendre dans la plupart des grandes villes de l’Europe, il arriva à Paris, où les succès qu’il obtint le décidèrent à demeurer. Ses débuts, lorsqu’il fut livré à ses propres forces, furent difficiles ; mais Frantz était énergique et travailleur. Bientôt sa situation s’améliora. Au bout de moins d’un an, il eut assez d’élèves pour être assuré de l’avenir.

Il appela alors auprès de lui ceux qu’il avait laissés en Roumanie : sa vielle mère ; Barbe, sa femme ; sa fillette Nadèje, enfant de cinq ans, et son jeune frère Paul, qui venait d’atteindre sa quinzième année.

De la fillette, fort bien douée, on devait faire une musicienne, et de Paul, qui avait d’excellentes dispositions, un artiste peintre.

Tout ce monde-là se logea d’abord modestement aux Batignolles, rue Nollet, puis la réputation de Frantz, comme professeur et comme exécutant s’étant affirmée, on put prendre un appartement plus vaste et plus confortable, rue de Douai.

Six ou huit ans après, Nadèje entrait au Conservatoire et Paul, élève de Bouguereau, exposait au Salon un portrait d’enfant plein de qualités, qui lui valut une mention et le fit honorablement connaître.

En grandissant, Paul était devenu un superbe garçon, vigoureux et bien planté. Très brun avec de grands yeux noirs, une barbe naissante et soyeuse, on pouvait aisément prévoir qu’il aurait à Paris de nombreux succès de femmes. Mais sous cette enveloppe de force, le jeune peintre était d’un caractère sans énergie, sans initiative. Indolent et mou, il ses laissait absolument dominer par sa mère et surtout par sa belle-sœur, Mme Frantz Meyrin. Celle-ci régnait en autocrate dans la maison. Tenant courbé sous sa volonté tout le monde, aussi bien son mari, excellent homme, qui courait le cachet et les concerts avec une infatigable activité, que Paul, dont elle réprimait les rares velléités d’émancipation, le femme du violoniste n’avait d’orgueil et de faiblesse que pour sa