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— Mais encore faudrait-il fournir à mon cher beau-père un motif de provocation.

— Oh ! ta mère est assez intelligente pour un trouver un.

— Et Podoï lui obéira aveuglement, lors même qu’il devrait recevoir un coup d’épée. Il est assez… niais pour cela. Je connais l’empire que sa femme a sur lui.

— Tu vois qu’il me faut partir, non certes pour moi, mais pour toi-même.

La princesse était devenue sombre, farouche. Affaissée sur une chaise longue, elle fixait d’un regard de feu son amant agenouillé devant elle.

— Soit ! fit-elle, après un moment de silence et en jetant ses bras au cou de Paul ; soit ! pars, mais à bientôt ! C’est ma mère elle-même qui l’aura voulu !

— Comment, quoi, que veux-tu dire ? demanda le peintre en serrant Lise sur son cœur.

— Je veux dire qu’avant le commencement de l’hiver je serai à Paris. Ah ! elle t’éloigne, elle nous sépare ! Eh bien ! moi, j’irai te rejoindre !

L’artiste jeta un cri de joie, et fous, ivres, inconscients du danger, ils oublièrent tout pour n’être qu’à leur amour et à leurs rêves d’avenir.

Le soir même, Paul Meyrin quittait Pampeln, après avoir écrit au prince dans le sens convenu avec la générale. Il s’excusait en même temps de ne pouvoir l’attendre pour le remercier de son hospitalité et prendre congé de lui.

On était alors au milieu de septembre et le séjour en Courlande devait, selon l’usage, se prolonger jusqu’aux premiers jours d’octobre. Lise en prit son parti et sut même rester si complètement maîtresse de ses sentiments, que sa mère en arriva bientôt à supposer qu’elle s’était exagéré le danger et que sa fille avait à peu près oublié l’amoureux si lestement éconduit.

Deux mois plus tard, elle dut reconnaître son erreur, lorsqu’elle apprit à Saint-Pétersbourg, par le prince lui-même, que sa femme allait à Paris pour consulter les médecins sur son état de santé qui l’inquiétait.