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mère qu’elle avait comblé la mesure et dépassé le but. Un caprice ridicule ! cette passion indomptée qui l’avait jetée dans les bras du beau Roumain.

Cependant elle se remit un peu pour répondre avec amertume :

— Oui, cela est vrai, vous avez fait de moi une princesse, et vous l’avez dit : pour satisfaire votre ambition. Vous eussiez plus sagement agi en faisant de moi une femme heureuse. Vous m’avez forcé à épouser un homme qui ne m’aimait pas, que je n’aimais pas, que je ne pouvais pas aimer. Est-ce ma faute à moi si j’ai dans les veines du sang d’artiste ?

— Comment d’artiste ? fit orgueilleusement la générale Podoï.

— Dame ! quand je ne tiendrais ces goûts et ces aspirations que de vous-même !

L’ex-comédienne fut prise à ces mots d’un mouvement d’indignation. Ce passé qu’elle avait oublié depuis si longtemps, dont elle ne voulait jamais se souvenir, c’était sa fille qui le lui rappelait ! Comment était-elle aussi bien instruite ? N’en savait-elle pas encore davantage ?

Remplie de cette idée, elle répliqua plus doucement :

— Il ne s’agit ni de tes goûts ni de tes aspirations, mais de ton honneur et de celui de ton mari, et tu reconnais mal, en cherchant à me froisser, le souci que j’ai de ton repos. Il est, je crois, préférable pour toutes les deux que nous ne prolongions pas cet entretien. Je vous ai dit, à M. Meyrin et à toi, ce que je devais vous dire. Son départ semblera tout naturel lorsqu’il en aura donné le motif que je lui ai suggéré. Il écrira au prince dans le même sens et le scandale, tout au moins, sera évité. Un jour tu me remercieras.

Lise ne répondit à ces derniers mots que par un sourire ironique, et dès que sa mère l’eut quittée, elle termina rapidement sa toilette pour descendre dans la salle à manger, où se trouvaient déjà réunis la plupart des convives.

Paul y entra quelques instants après. Il était si pâle et