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toute liberté, car lorsque les hôtes de Pampeln étaient à la chasse, il ne restait guère au château que les gens âgés et paisibles, qui se retiraient de bonne heure et, en raison de la réputation même de la princesse, ne songeaient pas à la surveiller.

D’ailleurs, un excellent motif permettait aux amants de demeurer seuls de longues heures. Dès le lendemain de cette rencontre qui avait fixé leur sort, le peintre avait commencé le portrait de Lise, et tout le monde, Pierre Olsdorf le premier, s’intéressait à cette œuvre qui promit bientôt d’être remarquable.

Sous l’empire de sa passion, Paul Meyrin avait d’abord voulu peindre la princesse en Diane chasseresse, les cheveux relevés à la grecque, les épaules nues, les seins à peine voilés ; mais à la vue de l’esquisse de cette toile, la jeune femme eut peur ; il lui sembla que tout y trahissait déjà l’amour de l’artiste, et elle le supplia de ne pas poursuivre ce travail. Il y consentit, mais à la condition que son modèle, renouvelant pour lui les impudeurs de la princesse Borghèse pour Canova, lui laisserait reproduire un jour, en secret, pour eux seuls, les splendeurs de toutes ses beautés. Et l’affolée s’y étant engagée dans une étreinte passionnée, Meyrin, passant d’un extrême à l’autre, la représenta en amazone, sévèrement et chastement vêtue.

Moins de quinze jours plus tard, ce portrait était à peu près terminé et le prince qui, tout naturellement, ne se doutait pas de ses infortunes conjugales, remerciait son hôte en l’autorisant à emporter sa toile à Paris, pour la faire figurer à la prochaine exposition.

À chacune de ces heures passées avec Paul, la princesse avait vu grandir son amour, qui s’était en quelque sorte purifié par l’admiration que lui causait l’artiste dans l’exécution de son œuvre.

Pendant que durèrent les séances, libre de le voir tous les jours à son aise, elle l’aima mieux, moins charnellement, mais si désireux que fût le peintre de prolonger son travail, il fallut bien que, par mesure de prudence, il se décidât un soir à reconnaître qu’il était achevé et,