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écrites en charabia érotique et de tant d’œuvres malpropres, qu’on dirait imprimées à Lesbos et qui sentent à la fois l’égout et l’opoponax.

Or, comme je n’ai pas l’ambition d’écrire un de ces livres-là, je ne dirai de la passion qui avait réuni Lise Olsdorf et Paul Meyrin que ce qui est nécessaire pour être bien compris. Ce que je voudrais peindre, c’est l’abaissement moral dans lequel tombe rapidement la femme lorsque, cédant aux seuls désirs de ses sens, elle se jette, aveugle, éperdue, dans les bras d’un homme qui n’est ni de son monde, ni de sa race, ni de son éducation.

L’amour, dans l’acception pure du mot, a pour conséquence, lors même qu’il n’est pas légitime, d’établir entre ceux qui l’éprouvent l’un pour l’autre un échange de sentiments élevés, de dévouements et de sacrifices. Il survit à toutes les épreuves ; dans son orgueil d’abnégation, il les provoquerait au besoin. La passion, au contraire, lorsque l’âme y est étrangère, est faite toute d’égoïsme et de satisfactions matérielles.

Dans ce cas, entre les mains de l’homme se sachant plus désiré qu’aimé, la femme n’est plus cette adorable compagne de la vie qui encourage et console, cette amie fidèle dont la joie double les joies ; elle devient un instrument de plaisir dont le possesseur jaloux veut pour lui seul non seulement toutes les ivresses, mais tous les sourires et les moindres pensées. Elle ne doit vivre que pour lui, ne plaire qu’à lui, n’être belle que devant lui. Annihilant les inspirations intelligentes de celle qui s’est si imprudemment donnée, le maître en fait promptement une esclave servile dont le cœur, étouffé par la matière, cesse bientôt de battre. Et lorsque le jour de la satiété ainsi que l’heure du délaissement arrivent, il ne reste plus de la créature de Dieu faite pour l’idéal qu’une femelle épuisée, avilie à ses propres yeux, vouée désormais à une existence de lassitude et de dégouts.

Mais Lise Olsdorf, tout entière à cet amour sauvage qui s’était emparé d’elle, ne pouvait supposer que c’était là peut-être l’avenir dont elle était menacée. Les excursions fréquentes du prince lui laissent pour ainsi dire