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à manger, reçoit les hommages de ses convives, qui, défilant un à un devant elle, lui baisent la main, pendant qu’elle les embrasse sur le haut du front.

Par modestie ou peut-être par calcul, Paul Meyrin s’était mis au dernier rang, et lorsque Lise lui tendit la main, il y attacha si longuement ses lèvres qu’elle la retira brusquement et fit un pas en arrière, sans même lui donner le baiser qu’il attendait.

Craignant de l’avoir froissée, le peintre releva vivement la tête pour l’interroger du regard, mais elle se dirigeait déjà vers les salons, où, chaque jour, les commensaux de Pampeln terminaient la soirée à leur guise. Les uns faisaient de la musique ou causaient ; les autres dansaient ; la plupart prenaient place autour des tables de jeu, bien que Pierre fût l’ennemi déclaré de ce genre de distraction ; mais il n’osait en priver ses hôtes.

Ce soir-là, quelque tentative qu’il fît, Paul ne put se rapprocher de la princesse et ses yeux ne rencontrèrent pas une seule fois les siens. Elle se retira de bonne heure, sans qu’il se fût même aperçu de son départ.

Le lendemain, il la vit à peine, car elle ne parut pas au dîner, ce dont le prince l’excusa auprès de ses amis, en disant qu’elle était un peu souffrante ; mais les jours suivants, Lise, comme si elle eût fait provision de calme, se montra de nouveau gracieuse, souriante, s’occupant de ses invités avec le soin qu’elle apportait toujours à remplir ses devoirs de maîtresse de maison.

Toutefois, si tranquille, si indifférente qu’elle s’efforçât de paraître lorsqu’elle se trouvait en face de l’artiste, elle ne se sentait pas assez forte sans doute pour affronter un tête-à-tête, car il ne parvenait pas à demeurer seul un instant avec elle. Quand il la saluait, elle avait toujours à ce moment-là à répondre également à un autre, et alors elle lui rendait son salut, mais précipitamment, en femme distraite, sans même lever les yeux ; et si, par hasard, elle le rencontrait en traversant la salle d’armes, les grands vestibules ou tout autre endroit momentanément désert, elle hâtait si bien le pas, sans trop d’affectation cependant, prenant tout de suite la parole