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la même manière, avec le ton de ce monde léger pour lequel l’amour est un épisode heureux de l’existence et non le but de la vie.

De plus, chacun de ces soupirants et de ces adorateurs était l’ami du prince, et l’honnêteté de Lise se révoltait. Elle les trouvait misérables de songer à abuser de la confiance de celui dont ils serraient la main avec mille protestations de dévouement.

C’est dans cette disposition d’esprit que se trouvait la fille de la comtesse Barineff, lorsque le comte Barewski, un des commensaux ordinaires de Pampeln, arriva à son tour. Il amenait avec lui sa femme et un jeune peintre parisien, M. Paul Meyrin, que la générale Podoï avait déjà présenté aux Olsdorf, mais à l’une de leurs dernières réceptions de l’hiver, à la veille pour ainsi dire de leur départ pour la Courlande, en sorte que le prince se souvenait à peine de son nom.

Paul Meyrin n’en fut pas moins bien accueilli, et quand il vint saluer la princesse, celle-ci se rappela si vivement en le voyant que la beauté de cet étranger l’avait frappée à Saint-Pétersbourg qu’elle en resta un instant interdite.

Mais elle se remit bientôt et offrant, à la mode anglaise et russe, sa main au jeune homme, elle lui souhaita la bienvenue d’une voix parfaitement calme.

Toutefois, pendant que le comte Barewski racontait au prince Olsdorf comment M. Paul Meyrin était un médiocre chasseur bien que cavalier fort habile, ce qui faisait qu’on le verrait plus souvent armé de ses pinceaux que d’un fusil, Lise examinait le nouveau venu avec des regards curieux qu’elle n’avait jamais eus pour personne.

D’une taille au-dessus de la moyenne, large d’épaules, un peu théâtralement campé sur les hanches, l’ami du comte Barewski était vraiment un superbe héros de roman. Son teint mat faisait paraître plus brune encore sa barbe fine et soyeuse qu’il portait tout entière. Sous des sourcils légèrement arqués, dessinés d’un seul trait, ses yeux étaient remarquablement beaux. Sa bouche aux lèvres rouges et sensuelles avait le sourire éclatant de la