Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle se disait que le rapprochement de deux êtres véritablement épris l’un de l’autre ne pouvait être aussi peu troublant. De quel droit était-elle privée de ces émotions profondes, de ces plaisirs ardents dont elle entendait parler à demi-voix par quelques-unes de ses amies ? Sa beauté ne méritait-elle donc pas qu’elle fût passionnément aimée ? N’était-elle pas désirable en tous points ? Alors pourquoi cette uniformité dans sa vie, ce lac sans la moindre ride, cet azur constamment sans nuage ? Elle avait une soif inconsciente d’orages inconnus, et devenait irritable et nerveuse.

Cette surexcitation morale et physique conduisit d’abord la fille de Madeleine à tenter de galvaniser son mari. Dans la pensée qu’elle y parviendrait en le rendant jaloux, elle se fit coquette, excentrique, futile, mais Pierre ne parut pas même s’apercevoir de ce changement. Les plus étranges fantaisies de sa femme ne lui arrachaient pas même un blâme. Seulement, comme il n’avait sans doute pas trouvé en elle son idéal, il s’en éloigna chaque jour davantage, pour se livrer à ses goûts. Alors, humiliée, froissée, surtout isolée, Lise jeta pour les première fois les yeux autour d’elle avec une curiosité inquiète.

Cela se passait au milieu de l’été, au moment où les hôtes affluaient à Pampeln, et certes la princesse n’aurait eu qu’à choisir ; mais aucun d’eux, si brillants qu’ils fussent, ne lui plaisait assez pour qu’elle le favorisât d’une attention particulière.

Ils étaient tous ce qu’étaient les jeunes hommes, officiers pour la plupart qui formaient sa cour depuis son mariage : beaux cavaliers élégants, hardis, viveurs. Toujours les mêmes vices et les mêmes qualités ! Leurs déclarations étaient toutes semblables. Elles la faisaient à peine sourire. Leur mode de tentatives de séduction ne changeait pas. Toujours les mêmes madrigaux ou les mêmes protestations mélodramatiques. Rien de vrai, de simple, de naturel, de spontané ! Certains l’aimaient ou la désiraient ardemment, cela était incontestable ; mais ceux qui se hasardaient à le lui dire le disaient tous de