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belle, l’œil brillant, la poitrine soulevée, les lèvres frémissantes. On eût dit qu’elle cherchait à briser son corps pour garder la tranquillité de son âme.

C’étaient là les seuls moments de leur vie à Pampeln où il y avait, entre Pierre Olsdorf et sa femme, une complète communauté d’idées et de sensations, car le prince, une fois à cheval et en chasse, n’était plus l’homme froid et gourmé de la vie ordinaire. Dans sa lutte avec les fauves, il se transformait. C’était un soldat sur le champ de bataille. Pour quelques heures il devenait de feu. Les plus indomptables coursiers obéissaient à sa main nerveuse ; nul cor n’envoyait à travers l’espace de plus éclatantes fanfares que le sien. Face à face avec un ours, il était superbe d’audace et de sang-froid. Il semblait y avoir en lui comme une sorte d’amour de carnage, lorsqu’il attaquait un loup dans son repaire et présidait à la curée.

Mais la journée terminée, toute cette mâle énergie tombait brusquement, et le soir, au château, en se mettant à table, quand on voyait arriver Pierre en habit noir, le visage calme, le regard voilé, quand on entendait sa douce voix, on se demandait si c’était bien là le même personnage dont l’impétueuse ardeur avait parfois effrayé ses compagnons de chasse.

On aurait pu surprendre alors au passage les étranges regards que Lise jetait furtivement sur son mari. Dans ces moments-là, sa physionomie exprimait tout à la fois de la stupéfaction et du mépris, et lorsque le prince lui adressait galamment la parole, elle lui répondait avec sécheresse ou ironie, quelques efforts visibles qu’elle fit pour ne pas trahir l’état de son âme.

C’est que la princesse, qui n’avait jamais aimé beaucoup celui dont elle portait le nom et qui, surtout, ne s’était jamais sentie attirée charnellement vers lui, commençait à s’en éloigner, en le comparant aux autres hommes dont elle était entourée.

L’affection si calme de Pierre ne lui suffisait plus. Ce n’était point là l’amour tel que le lui faisaient entrevoir ses sens éveillés par l’existence active qu’elle menait.