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secondes s’écoulèrent, puis un homme pâme et la tête découverte apparut sur le seuil de la pièce.

C’était Pierre Olsdorf. En arrivant au Grand-Hôtel, il avait trouvé la lettre de Véra et accourait.

— Le prince ! s’écria la générale Podoï, avec une expression ineffable de reconnaissance.

— Lui ! murmura la fille du tenancier d’Elva en pâlissant.

Comme si ce mot : le prince, prononcé par sa mère, l’eût subitement ranimée, Mme Meyrin se souleva et jeta un cri !

Le gentilhomme russe s’approcha rapidement de celle qui avait porté son nom.

— Vous, vous, répéta-t-elle, comme galvanisée ! Ah ! vous pouvez me pardonner !

— Je ne sais plus qu’un chose, Lise, c’est que vous souffrez, répondit Pierre, en pressant doucement dans les siennes les mains suppliantes que la malheureuse lui tendait.

— Alors, je puis mourir ! Pierre Alexandrowitch, écoutez-moi ; Véra, venez là, tout près… Ni l’un ni l’autre, ne perdez aucune de mes paroles. Oh ! mon Dieu ! donnez-moi la force ! Pierre, Véra vous aime, c’est une sainte et noble créature. Quand je ne serai plus, vous aurez le droit de vous marier. Promettez-moi qu’elle deviendra la mère de mes enfants. Je vous en supplie !

— Je vous le jure, répondit le prince d’une voix ferme et grave.

La fille de Soublaïeff sentit tout son sang lui affluer au cœur.

La mourante murmurait si bas qu’on pouvait à peine l’entendre :

— Avec elle le nom des Olsdorf demeurera sans tache !

Elle serait retombée lourdement en arrière si le prince, qui la soutenait, ne l’eût doucement étendue sur sa couche.

Cet effort devait être le dernier. Quelques instants après, le délire s’emparait de l’infortunée. Ses yeux grands ouverts n’avaient plus que des regards éteint ; ses lèvres, que crispait un rictus douloureux, ne pro-