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prince, sa sœur et Mme Bernard, ma gouvernante, le train express à Mittau. Elle était certaine ainsi, quelque diligence que fit le voyageur, d’être à Paris avant lui.

Elle ne s’était pas trompée. En descendant de voiture au Grand-Hôtel, elle trouva le télégramme par lequel le prince lui annonçait qu’il serait là le surlendemain.

Quant à Mme Daubrel, à qui la seconde dépêche de Rome était parvenue quelques heures auparavant, elle avait couru chez son amie pour la lui communiquer, mais, à son étonnement, elle avait trouvé près d’elle la générale Podoï, arrivée depuis quelques instants déjà.

Informée par la fille du fermier d’Elva que Mme Meyrin était au plus mal, l’ex-comtesse Barineff était partie brusquement de Saint-Pétersbourg, sans même prévenir personne.

L’entrevue de Lise avec sa mère avait été déchirante. En retrouvant sa fille abandonnée, vieillie, en danger, la générale avait senti se transformer en elle cet amour maternel qui, pendant si longtemps, n’avait été fait que d’orgueil, et malgré tous ses efforts pour paraître calme, afin de ne pas effrayer la malade, le désespoir se lisait sur chacun des traits de son visage.

Depuis plusieurs jours déjà, Mme Meyrin ne quittait plus le lit ; elle s’était fait apporter sa fillette, et au moment de l’entrée de Marthe dans sa chambre à coucher, elle disait à sa mère, en lui montrant Marie, qui jouait avec les dentelles des oreillers :

— Vous l’aimerez bien, n’est-ce pas, quand je ne serai plus, et vous l’élèverez sérieusement comme vous m’avez élevée ? Mais vous n’aurez pas l’ambition d’en faire une grande dame ; vous tenterez seulement d’en faire une femme heureuse. Surtout, oh ! cela surtout, ne la mariez pas avec la possibilité de divorcer. Le divorce, voyez-vous, ma mère, ce n’est qu’une prostitution légale ; une sorte de provocation à l’adultère. C’est un outrage aux lois de l’Église et de la pudeur. Est-ce qu’une femme a le droit de passer des bras d’un mari vivant dans les bras d’un autre époux ? Est-ce qu’à la pensée de la rencontre possible, souvent inévitable, de ces deux hommes qui