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Mme Meyrin une ou deux fois pour lui dire que les travaux importants le retenaient en Italie ; puis, lorsqu’il ne sut plus comment expliquer son absence prolongée, il répondit à peine aux lettres que Mme Daubrel lui adressait à l’insu de Lise, car celle-ci, trop fière pour se plaindre, toute à son amour maternel et ne voulant pas fournir à l’homme qu’elle méprisait l’occasion de mentir de nouveau, avait cessé de correspondre avec lui.

Ne recevant plus aucune réponse du mari de sa pauvre amie, Marthe lui avait dit que Paul s’était éloigné de Rome, qu’il parcourait l’Orient, où ses lettres ne lui parvenaient pas sans doute ; mais l’épouse délaissée n’avait pas cru à ce pieux mensonge ; elle avait compris dès lors combien était devenu indigne celui qu’elle avait tant aimé, et elle avait supplié Mme Daubrel, non seulement de ne plus lui adresser une seule ligne, quoi qu’il arrivât, mais encore de ne jamais prononcer son nom.

C’est à partir de ce moment que Sarah avait osé dissimuler toute correspondance venant de France. La misérable créature s’était mise à haïr cette femme qu’elle avait tant fait souffrir ; et pour s’excuser par-devant elle-même, elle disait que la maladie de Mme Meyrin était une comédie jouée par ses amis, dans le seul but de rappeler son époux auprès d’elle.

Demeurant ainsi sans aucunes nouvelles, le peintre s’imagina bientôt lui-même qu’il en était ainsi, et il tomba alors sous la domination absolue de cette fille qui flattait sa vanité et donnait satisfaction à ses appétits sensuels.

Il avait loué, via Venti Settembre, à deux cents pas de la porte Pia, une petite villa dont il avait transformé l’une des pièces en atelier. C’est là qu’il vivait, ignorant ce qui se passait réellement rue d’Assas, lorsqu’il reçut la visite, à laquelle il s’attendait si peu, des témoins du prince Olsdorf, et leur répondit ainsi que nous l’avons écrit plus haut.

Un homme d’un caractère plus ferme que Meyrin se serait gardé de rien dire à sa maîtresse, par dignité et même par affection ; il se hâta au contraire de lui tout raconter, et ce fut alors, de la part de la juive, un débor-