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en la suppliant de lui pardonner de manquer à la parole qu’il lui avait donnée de revenir auprès d’elle.

Pendant ce temps-là, M. Meyrin recevait les deux amis qu’il avait fait demander, deux artistes comme lui ; l’un Italien, Giacomo Rimaldi, l’autre Français, pensionnaire de l’École de Rome, Alfred Bertin, et il leur expliquait quel service il réclamait d’eux.

Moins discret que le prince Olsdorf avec ses compatriotes, il leur raconta d’abord ses amours et son mariage avec la femme de celui qui venait, au bout de quatre ans, lui demander raison d’un outrage effacé cependant, croyait-il, par son union avec l’épouse divorcée.

— Je pourrais parfaitement, termina-t-il, refuser au prince toute satisfaction, mais je ne veux pas qu’il puisse dire qu’un Roumain a eu peur d’un Russe. Donc, arrangez cette affaire comme vous l’entendrez avec les témoins de mon adversaire : l’épée ou le pistolet, ce qu’ils voudront.

Ce que Paul Meyrin n’ajoutait pas, quoiqu’il le comprît, c’est que ce n’était pas le passé que l’époux offensé voulait venger, mais le présent. Or, c’était du présent même dont le peintre espérait bien s’affranchir en acceptant la rencontre qui lui était proposée. Il lui semblait qu’en le provoquant, Pierre Olsdorf lui fournissait des armes contre sa femme, qu’il aurait alors le droit d’abandonner tout à fait.

Le triste sire n’en avait pas de nouvelles depuis deux mois. Son frère lui avait bien écrit qu’elle était souffrante, mais il ne la savait pas dans un état désespéré, et, comme les hommes sans énergie, n’osant affronter les larmes et les reproches de celle qu’il avait lâchement délaissée, il évitait de s’informer d’elle, dans la crainte d’être forcé de retourner rue d’Assas, ne fût-ce que par respect humain, pour ne pas se rendre trop misérable aux yeux des plus indulgents.

Il est toutefois probable que s’il eût connu la véritable situation de Mme Meyrin, il aurait quitté Rome ; mais à l’époque où nous sommes arrivés, Sarah, avec qui il vivait complètement, interceptait toutes les lettres de Paris, qu’elle ne lisait même pas, par une rouerie bien fémi-