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Une fois surtout, il fut sur le point de mettre son projet à exécution en trouvant à son arrivée à Singapour, près de trois ans après son départ de Russie, une dépêche lui annonçant que son fils était gravement malade ; mais comme à cette première dépêche qui l’attendait depuis huit jours, d’autres, meilleures, puis tout à fait rassurantes avaient succédé, il eut le courage de reprendre sa course vagabonde, tout en regrettant, pour ainsi dire, de ne pas avoir vu prolonger son inquiétude, puisque son amour paternel l’aurait rappelé à Pampeln.

Cependant le prince Olsdorf avait tenté l’impossible pour briser son corps, espérant que la lassitude s’emparerait aussi de son âme. Après avoir parcouru la côte est du continent africain, il avait traversé l’océan Indien pour se diriger vers la Chine. Là, il avait vu Shanghai, Nankin, Amoy, la colonie anglaise de Hong-Kong et Macao, la vieille possession portugaise, où Camoens composa les Lusiades. Il avait remonté le Tigre jusqu’à Whampoa, pour gagner Canton par la rivière des Perles. De là, il était descendu vers Singapour pour se rendre à Batavia par les détroits de Rhio et de Banca. Mais rien n’avait pu l’arracher au passé, ni les mœurs étranges des habitants de l’empire du Milieu, ni le spectacle féérique des détroits de la Sonde, ni les chasses terribles dans l’intérieur de Java.

De la Malaisie, il était allé à Ceylan, qu’il avait traversé dans toute sa longueur, de la Pointe-de-Galles à Trinquemale ; mais ni les cavernes souterraines de Kandy, ni les splendeurs de la vallée des Rubis, ni la luxuriante végétation des jungles n’avaient calmé son esprit. Au sommet du pic d’Adam, en face de l’empreinte du pied de Bouddha, ses regards ne s’étaient portés que bien loin vers le nord, là où il aimait, où il était attendu.

Il avait ensuite remonté la côte de Coromandel, visitant successivement Tanjore, Trichinopoly, Pondichéry, Madras et Méliapour, où saint Thomas fut martyrisé et où le Christ a peut-être vécu pendant son absence de Judée, puisant dans les livres des Brahmes les plus beaux préceptes de sa divine doctrine.