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tion pour celle dont il semblait véritablement épris, Pierre remit son départ pour ses domaines au printemps prochain, et l’hôtel de la Moïka, ainsi que se l’était promis la comtesse, devint bientôt l’une des plus brillantes habitations de Saint-Pétersbourg.

Cela ne faisait qu’à moitié l’affaire du prince. Il n’avait jamais beaucoup aimé le monde et il eût préféré avoir sa femme un peu plus pour lui seul, mais il se soumit de bonne grâce, et les fêtes, les réceptions, se succédèrent chez lui pendant les six premiers mois de son union. La princesse Olsdorf avait sa loge au théâtre Michel et à l’Opéra-Italien ; elle était de tous les bals de la Cour ; nul traîneau n’avait des trotteurs Orloff comparables aux siens ; les femmes les plus haut titrées de la noblesse russe étaient devenues ses amies ; on la citait dans toutes les chroniques pour son élégance, son esprit et sa beauté.

Quant à Pierre, toujours un peu trop sérieux, il ne s’absenta pendant ces six mois bruyants qu’une seule fois, pour aller s’assurer en Courlande que Pampeln serait tout à fait digne au printemps de recevoir sa châtelaine.

Le prince Olsdorf aimait sa femme, mais avec son caractère grave et son tempérament d’homme du Nord, ignorant des passions fougueuses et troublantes. Il semblait du reste qu’il était bien qu’il en fût ainsi, car Lise restait la femme que le général Podoï lui avait dépeinte : douce, aimante, sans inquiétudes, sans jalousie. Son mari était surtout pour elle un ami ; ni son cœur ni ses sens ne paraissaient en demander davantage. Donc tout était pour le mieux, et la comtesse Barineff, justement fière de son œuvre, en jouissait avec orgueil, lorsqu’un jour le brave Podoï vint lui rappeler la promesse qu’elle lui avait faite d’accepter son nom après le mariage de sa fille.

— Comment, mon ami, vous pensez toujours à faire de moi votre femme ? lui demanda-t-elle.

— Plus que jamais ! répondit le général d’une voix émue. Voyons, n’ai-je pas travaillé, moi aussi, au bonheur de votre enfant, et n’ai-je pas droit à une récompense ? Or laquelle m’est seule précieuse ? Pensez donc,