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heures des repas et rentrant le soir si fatigué que, parfois, il quittait la table pour gagner son lit.

De plus, Mme Percier n’était pas une compagne bien agréable pour sa fille. Toujours souffrante, elle sortait peu de chez elle, et Marthe restait souvent plusieurs jours sans la voir. Du reste, la veuve n’eût rien compris aux plaintes de son enfant. Les passions ne l’avaient jamais effleurées : elle en aurait ri ou, peut-être même, l’aurait-elle sèchement blâmée de ne pas se reconnaître complètement heureuse.

Il en advint fatalement que bientôt Mme Daubrel trouva les journées longues, les soirées interminables. Alors elle se mit à lire, d’abord les journaux parisiens, les échos de tous les scandales galants qui, jusqu’à cette époque, lui étaient restés indifférents, puis les romans du jour, en s’intéressant nerveusement aux héroïnes de l’amour, en comparant leur existence fiévreuse à la sienne, en faisant entre les personnages qui passaient sous ses yeux et son mari un parallèle qui n’était jamais à l’avantage de ce dernier.

Le négociant, tout naturellement, ne s’apercevait de rien, ou s’il remarquait parfois la physionomie soucieuse, le teint un peu pâli de sa femme, mettant cela sur le compte d’une migraine, il lui offrait quelque insignifiante distraction, qu’elle refusait toujours avec un sourire contraint.

C’est dans cette disposition d’esprit, dans ce vague de l’âme, dans cette fatigue de toutes choses qu’était Mme Daubrel la quatrième année de son mariage, lorsqu’elle accompagna sa mère à Luchon.

Le mari avait bien hésité un peu à laisser partir sa femme pour une station balnéaire aussi éloignée, où il ne pourrait pas aller la retrouver tous les samedis, comme il le faisait lorsqu’elle passait sa saison au bord de la mer, à quelques heures de Paris ; mais Mme Percier, à qui son médecin avait absolument ordonné les Pyrénées, lui ayant affirmé qu’elle n’aurait pas le courage de partir seule, le brave homme avait cédé. Seulement il avait gardé près de lui son fils Charles, que Marthe d’ailleurs