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pas des bureaux du négociant, et pendant près de trois ans, tout marcha à merveille.

Raymond n’était ni très expansif ni très passionné, et Marthe n’éprouvait pour lui qu’un bonne et calme affection, mais cette moyenne de sentiments conjugaux semblait leur suffire à tous deux. Par tempérament, ils n’en rêvaient point d’autres. Mme Daubrel était devenue mère d’un fils qu’elle adorait, et son mari restait toujours pour elle bon et prévenant, ne lui refusant aucun des plaisirs que sa situation florissante l’autorisait à lui donner : pendant l’hiver, le théâtre et quelques bals ; pendant l’été, deux mois au bord de la mer, à Dieppe ou à Trouville, villégiature durant laquelle Mme Percier tenait compagnie à sa fille, afin qu’elle ne fût jamais seule, quand M. Daubrel était retenu ou rappelé à Paris par ses affaires.

Il y avait donc vraiment dans cette existence un peu bourgeoise, mais élégante et suffisamment active, tous les éléments de bonheur pour une jeune femme élevée simplement et dans des principes sérieux, si sa monotonie, sa régularité et son calme même n’avaient pas éveillé dans l’esprit de Marthe des aspirations, inconscientes d’abord, vers un peu plus de mouvement. Or, ce n’était pas chez les dames Meyrin qu’elle pouvait trouver ce qui lui manquait.

Mme Frantz était rien moins que frivole, nous le savons. On faisait chez elle de la grande musique, mais on y causait peu, et les auditeurs de ses matinées se renouvelaient trop souvent pour qu’il fût possible de s’y créer quelques relations suivies. Tout cela faisait que la jolie Mme Daubrel n’avait pas une de ces amies dont les femmes aiment à faire les confidentes de leurs petits chagrins, et que sa vie lui semblait bien terre à terre.

Toutefois, tant que son fils fut en bas âge, c’est-à-dire tant que ses soins et sa surveillance de chaque instant lui furent nécessaires, l’épouse combattit victorieusement ces sortes de lassitudes qu’elle éprouvait, mais lorsque l’enfant put être confié à une domestique, la jeune mère se trouva isolée, son mari ne lui donnant guère que les