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réveiller, et, se laissant tomber dans un fauteuil en face de Mme Daubrel, elle lui demanda :

— Et… M. Meyrin ?

— Il est absent depuis quelques jours.

— Où est-il ?

— À Rome, où il a été appelé pour des travaux importants.

— À Rome ? Des travaux ! Voyons, ne me mentez pas. Est-ce qu’une infortune nouvelle peut aujourd’hui me surprendre ! Ne craignez rien, j’ai du courage. Il est parti avec cette fille ?

— Je l’ignore, mais je ne le crois pas.

— J’en suis certaine ! Et il n’a rien laissé pour moi, pas un mot ?…

— Il m’a fait parvenir cette lettre avant son départ.

Mme Daubrel prit sous la pendule un pli cacheté et le tendit à son amie qui en déchira l’enveloppe, dévora le billet qu’elle renfermait sans qu’un muscle de son visage trahît quelque sentiment que ce fût et, le remettant à la jeune femme :

— Lisez, dit-elle.

— Oh ! cela est infâme, s’écria Marthe, après avoir parcouru les lignes suivantes :

« Ma chère, vous ne trouverez pas trop mauvais que je suive votre exemple, c’est-à-dire que j’agisse en toute liberté. Je suis heureux que votre fils ait recouvré la santé et que, pendant votre absence, il ne soit rien arrivé de fâcheux à votre fille qui, elle aussi, est votre enfant. Cela aurait pu se produire ; mais sans doute le fils d’un prince tient plus de place dans le cœur de sa mère que la fille d’un simple artiste comme moi. Je pars pour Rome où les travaux dont je suis chargé me retiendront assez longtemps. J’espère que vous voudrez bien m’y adresser, Villa Médicis, des nouvelles de vous et de Marie. »

— Non, ce n’est pas infâme, murmura Mme Meyrin, c’était fatal et, de la part de Dieu, c’est justice. Mariée deux fois, je n’ai pas d’époux ! Mère de trois enfants, je n’ai près de moi que celui qui est au berceau. Il me reste plus que Dumesnil et vous !