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De crainte de contagion, pour le cas où la méningite dont Alexandre était atteint deviendrait tuberculeuse, Mme Meyrin avait dû s’abstenir de voir Tekla. Elle l’avait embrassée à la hâte, et ne s’était enivrée qu’un moment de la beauté de cette fillette qui devenait jolie à ravir. Par prudence, on l’avait installée avec sa domestique et Mme Bernard, la gouvernante, dans l’aile gauche du château, tandis que l’ex-princesse devait partager l’appartement de Véra.

Quant à Mme Podoï, le docteur Psaroff avait exigé qu’elle ne séjournât pas auprès de son petit-fils, la chambre d’un malade devant recevoir le moins de monde possible. En sorte que Lise voyait la générale à peine une fois par jour, et seulement pendant quelques minutes. Il ne pouvait conséquemment être question entre elles que de l’état de santé du petit prince, et elle était ainsi à l’abri des réflexions désobligeantes que sa mère n’aurait pas manqué de lui faire à propos du passé, si leurs entrevues avaient été plus fréquentes et plus longues.

Pendant six jours et six nuits, Mme Meyrin ne prit aucun repos. Lorsqu’elle était auprès de son fils, elle ne le quittait pas des yeux, torturée de ses plaintes, épiant ses moindres mouvements, s’efforçant de comprendre les mots sans suite qu’il prononçait dans ses accès de délire, le suppliant à voix basse, avec de douces paroles, de la reconnaître, caressant de ses lèvres ses petites mains amaigries et brûlantes, et quand elle devait céder la place à Véra, pour aller s’étendre sur un lit, dans la chambre voisine, elle ne pouvait trouver un instant de sommeil. Si son fils allait mourir sans qu’elle fût là ! Si, au contraire, son premier regard et son premier retour à la raison allaient être pour une autre que pour elle !

Elle se glissait alors sans bruit jusqu’à la porte entrouverte d’où, haletante, anxieuse, jalouse, elle écoutait, prête à s’élancer.

Ce martyre avait duré toute une semaine, avec des alternatives d’espérances et de désespoir, lorsqu’un matin, après une nuit meilleure que celles qu’il avait eues depuis qu’il s’était alité, Alexandre ouvrit les yeux et, par