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rement rue d’Assas, mais les deux époux n’échangeaient pas dix paroles pendant qu’ils étaient à table et, le repas terminé, si le peintre prenait la main de sa femme, la main de celle-ci restait inerte et glacée.

Cependant, si Paul avait eu un mouvement vrai, spontané, chaleureux, Lise, si forte qu’elle se croyait et voulait paraître, n’aurait peut-être pas résisté, car elle avait eu pour son mari un de ces amours qui excusent bien des choses, par le fait même qu’ils n’ont pas eu pour seule base l’admiration, l’estime, l’exaltation de l’âme, c’est-à-dire ces sentiments élevés qui, lorsqu’ils disparaissent, emporte avec eux toute l’affection, pour ne plus laisser place qu’au devoir.

Il n’en est point ainsi des passions nées du désir. Les attractions qui les ont déterminées peuvent, au mépris de toute dignité, les réveiller soudain, les nerfs jouant un rôle exclusif dans leurs manifestations. Tout en conservant souvenir de la trahison, le cœur, dans sa miséricorde et sa bonté, peut la pardonner ; la chair, elle, n’a point de noble orgueil ; en s’abandonnant de nouveau, elle oublie !

Mais M. Meyrin ne savait rien de ces distinctions : la froideur de sa femme humiliait son sot orgueil, et s’imaginant qu’il avait assez fait pour qu’elle revînt à lui, si elle l’avait désiré, il n’osait plus rien tenter de crainte d’être repoussé. Très épris d’ailleurs de Sarah, en raison même des résistances que celle-ci lui opposait, il s’accoutuma peu à peu à rentrer moins exactement rue d’Assas, et comme il ignorait ces délicatesses, ces égards qui font excuser tant d’erreurs chez l’homme bien élevé, il s’abstint même bientôt de prévenir lorsqu’il sortait avant le déjeuner ou ne devait pas revenir pour le repas du soir. Si bien que, moins d’un mois après le douloureux événement que nous avons raconté, Mme Meyrin demeurait de longues heures seule avec son enfant, ne recevant plus que Mme Daubrel, à qui elle avait fini par tout dire, et Dumesnil dont l’affection pour elle grandissait de jour en jour.

De la famille de son mari, Lise n’entendait plus parler.