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elle parcourait l’atelier d’un pas précipité. Son exaltation croissait à chacune de ses paroles. Sa pelisse entrouverte laissait voir le costume léger sous lequel son cœur battait à se rompre.

Elle arriva ainsi devant la toile qui représentait la fille des Ptolémée sous les traits de Sarah et s’écria, avec autant de douleur que d’orgueil blessé :

— Moi aussi, jadis, j’ai posé nue devant vous. La passion m’avait poussée à cette impudeur. Eh bien ! monsieur Paul Meyrin, est-ce qu’il ne vous faut que des filles pour modèles ! Ne suis-je donc plus assez belle pour vous en servir ! Allons, à vos pinceaux ; poursuivez votre œuvre !

Jetant loin d’elle son manteau de fourrure, déchirant de ses mains furieuses son peignoir de soie, dénouant d’un mouvement de tête sa luxuriante chevelure, qu’il se répandit en flots d’or sur ses épaules, Lise Barineff s’élança vers le lit que la Juive occupait quelques instants auparavant.

Puis, lorsqu’elle l’eut atteint, elle ajouta, superbe et frémissante, en fixant de son regard d’acier son mari qui demeurait immobile, muet, atterré :

— Eh bien ! j’attends !

Mais la malheureuse femme était au bout de ses forces, car soudain, poussant un cri d’angoisse, elle se renversa en arrière, pour tomber comme une masse sur le parquet.

Paul s’élança vers elle, la prit dans ses bras, et, par un sentiment de délicatesse assez étonnant de sa part, la porta sur le divan, au lieu de l’étendre sur le lit de pose.

Quelques instants après, Mme Meyrin revenait à elle, et, se rappelant ce qui venait de se passer, semblait avoir recouvré tout son calme. Elle releva ses cheveux, s’enveloppa dans son manteau, et dit à son mari qui s’empressait auprès d’elle et voulait s’opposer à son départ.

— Vos soins me sont inutiles, je n’ai succombé qu’à un moment de faiblesse physique et c’est assez pour moi d’être venue ici sans y demeurer davantage. Je n’oublierai pas l’abaissement où je suis descendue grâce à vous. Rue d’Assas, vous ne trouverez plus jamais une épouse, mais