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fort élégamment, grâce au bon goût qu’il devait à Lise et en dépouillant la rue d’Assas, sous le prétexte d’offrir telle toile ou tel bibelot d’art à une vente de charité, telles armes à des confrères. Il inventa ensuite, à l’instigation de sa maîtresse, sa collaboration à un panorama, afin d’être libre et de ne pas avoir l’ennui de trouver tous les jours un nouveau mensonge pour motiver ses absences.

Les choses ainsi réglées, le frère de Frantz, qui ne pouvait passer tous ses après-midi à ne rien faire se mit au travail en esquissant une toile dont le sujet était Cléopâtre attendant Marc-Antoine.

Au bout de deux mois, malgré le distractions que le modèle donnait à l’artiste, ce tableau était fort avancé et promettait d’être un des meilleurs de celui dont bien évidemment la passion conduisait souvent le pinceau. Ce qui ne l’empêchait pas de revenir parfois à sa femme, par amour des contrastes. Le malheureux, dans l’oblitération de son sens moral, se plaisait, en ces moments-là, à s’imaginer qu’il était en bonne fortune.

Mais Sarah, jalouse autant qu’envieuse, se douta bientôt de ces infidélités légitimes ; sa haine pour Mme Meyrin s’en accrut et, ne songeant plus qu’à brouiller les deux époux, elle envoya un matin, rue d’Assas, le billet anonyme qui ne pouvait manquer de lui faire atteindre son but.

Après cet acte aussi lâche qu’infâme, elle s’en vint gaiement à l’atelier, où par un machiavélisme bien féminin, elle fut plus tendre que jamais. Il fallait que le soir même, au moment où sa femme lui ferait la scène qu’elle espérait, Paul fût encore sous le charme des caresses ardentes de sa maîtresse.

En attendant, elle posait pour Cléopâtre, que le peintre représentait complètement nue, à demi couchée sur une peau de lion, et nattant elle-même de perles sa chevelure d’ébène. Sarah était ainsi une merveilleuse créature, d’une pureté de formes irréprochable. Ses chairs roses avaient çà et là des lueurs d’ambre pâle. Ses bras superbes, levés au-dessus de sa tête, donnaient à sa poitrine une fermeté de marbre ; un sourire lascif entr’ou-