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camarades, elle ne rêva plus que de le rencontrer. Dans quel but ? Elle ne s’en rendait pas compte elle-même. Peut-être tout simplement pour lui chercher querelle et lui faire croire, par quelque sortie brutale, qu’elle s’était toujours moquée de lui ; peut-être aussi pour tenter, si l’occasion se présentait, de lui tendre quelque piège amoureux auquel il se laisserait prendre.

Sarah ne fut donc pas absolument étonnée en voyant arriver Meyrin chez Robert Aubrey, mais elle n’en fit pas moins un mouvement de pudeur offensée, en relevant sur ses épaules la draperie légère et diaphane qui ne la couvrait que jusqu’aux hanches, et s’écria :

— Eh bien ! on entre donc ici comme à la halle ! Alors, c’est fini ! Je ne pose pas devant des étrangers.

Et descendant de sa table de modèle, elle courut au paravent derrière lequel se trouvaient ses vêtements, car on sait qu’une poseuse, si nue qu’elle se montre pendant la séance de travail, devant dix artistes réunis, ne se déshabillerait ni ne s’habillerait devant aucun d’eux.

Le mari de Lise était demeuré tout stupéfait sur le seuil de la pièce, d’abord de cette rencontre à laquelle il ne s’attendait pas et de l’exclamation de la jeune femme, ensuite de sa beauté qu’il n’avait jamais vue plus rayonnante.

Mais après cette seconde hésitation assez naturelle, il s’approcha du maître de la maison qui reçut ses excuses en riant, pendant que deux autres de ses confrères auxquels il avait tendu la main, Gaston Breil et Raoul Martel plaisantaient tout haut le modèle sur sa fuite ad salices.

Elle leur répondait de son refuge d’une voix mordante et brève qui causait à Paul une étrange émotion.

Quelques minutes plus tard elle reparut complètement habillée et dit à Meyrin, en s’avançant vers lui :

— Monsieur, lorsque vous devrez venir ici, vous préviendrez Aubrey ; moi, j’irai ailleurs.

— Ah bah ! fit le Roumain, en affectant de ne pas prendre au sérieux le ton de la jeune femme, nous en