Page:René de Pont-Jest - Divorcée.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion que son bonheur était en danger, surtout lorsque son mari commença à s’absenter régulièrement.

Prétextant qu’il exécutait un panorama avec deux de ses confrères dans un atelier du boulevard Monceau, il était forcé, disait-il, de consacrer à cette œuvre la plus grande partie de ses journées. Lise le croyait, mais, pour elle, les heures se faisaient interminables, malgré la présence de la fillette ; et comme, lorsque le soir, elle questionnait Paul sur la marche de ses travaux, il lui répondait à peine, elle cessa bientôt de l’interroger et accepta ce douloureux isolement, tout en sentant naître en elle les révoltes de l’orgueil, en même temps que la jalousie la mordait au cœur.

Toutefois, trop fière pour se plaindre, elle n’adressait aucun reproche à son mari, et quand Mme Frantz, qui lui rendait visite de loin en loin, la complimentait sur la simplicité de sa mise ainsi que sur la tenue modeste de la maison, elle avait le courage de ne rien trahir de son humiliation. Elle dissimulait même à l’égard de Mme Daubrel et de Dumesnil, mais ces deux dernier l’aimaient trop pour demeurer longtemps aveugles. Elle dut un jour tout leur avouer.

Depuis plusieurs mois, Marthe s’était bien aperçue de ce qui se passait ; elle s’efforça néanmoins de rassurer son amie, en lui disant qu’elle s’exagérait les choses que très probablement M. Meyrin était inquiet de l’affaire artistique qu’il avait entreprise, et que c’était à ses préoccupations seules qu’il fallait attribuer les changements survenus dans son caractère ainsi que dans sa façon de vivre.

Dumesnil, qui s’était souvent étonné de rencontrer si rarement le peintre à son atelier, abonda dans le sens de Mme Daubrel, et, voulant avant tout calmer les craintes de la jeune femme, il lui dit, en la plaisantant et en la grondant un peu :

— Voyons, ma chère enfant, il ne faut pas se créer ainsi des chimères ni désespérer aussi vite. Comment pouvez-vous supposer un instant que votre mari vous oublie et