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grand monde de Saint-Pétersbourg. Je ne veux pas qu’on se moque de moi.

C’était la première fois que, depuis deux ans, depuis le jour où elle s’était si spontanément donnée à lui, Lise entendait sortir de sa bouche un mot blessant. Jusqu’alors, au contraire, il avait toujours paru prendre à tâche d’éviter toute allusion au passé. Aussi se sentit-elle douloureusement froissée ; mais, faisant un effort surhumain, elle répondit néanmoins en souriant, après un instant de silence :

— Peut-être as-tu raison, mais rien n’est plus simple, jusqu’à ce que Marie soit sevrée, je ne recevrai plus que nos amis tout à fait intimes. Es-tu satisfait ? M’aimeras-tu toujours ? Du reste, notre fillette aura un an dans quelques semaines ; nous pourrons donc reprendre bientôt notre existence d’autrefois. N’en as-tu pas comme moi le désir ?

En parlant ainsi, elle avait jeté ses deux bras autour de son cou. Elle l’interrogeait plus encore de ses regards brûlants et de son étreinte que de la voix.

— Parbleu ! chère folle, fit-il en lui en donnant un baiser tout paternel et en se dégageant doucement. En attendant, c’est Mlle Marie qui règne ici en maîtresse souveraine ; moi, je ne viens plus maintenant qu’après elle. Allons, bonsoir !

Cela dit, il se retire dans la petite chambre voisine de son atelier, où il avait fait élection de domicile depuis les couches de sa femme, en prétextant que le bébé, dont le berceau restait toute la nuit près du lit de sa mère, l’empêchait de dormir.

Demeurée seule, Mme Meyrin sentit son cœur se serrer. Elle avait comme le pressentiment d’un malheur. L’amour de son mari pour elle n’était plus le même. Saisie d’épouvante à cette pensée, elle fit un mouvement pour s’élancer sur ses pas et le rejoindre, mais au même instant la fillette se réveilla, et la mère, brusquement rappelée au plus saint des devoirs, courut à elle et, tout en pleurant, se mit à la bercer.

Ce qui, trop fatalement, était vrai, c’est que, moins