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de soie et tous ces bijoux qu’elle se plaît à porter dans les moindres circonstances. On sait bien, n’est-ce pas, d’où et de qui lui viennent ces parures. Tout cela était bon pour la princesse Olsdorf. Pourquoi rappeler ainsi qu’elle n’a pas toujours été Mme Paul Meyrin ? Une femme divorcée est contrainte à plus de réserve qu’aucune autre, les hommes étant toujours tentés de croire, avec leur fatuité ordinaire, qu’après avoir faille une première fois, elle peut faillir une seconde. De plus, vous menez un train exagéré pour votre position de fortune. Toutes ces réceptions, tous ces dîners-là vous ruinent. Tu n’en resteras pas à cette fillette, vous aurez d’autres enfants, et ça coûte cher à élever. Il faut faire des économies, et puisque ta femme n’y a jamais été habituée, c’est à toi de veiller sur les dépenses de ta maison, si tu ne veux pas être dans la gêne un jour.

Tous ces raisonnements, malveillants mais spécieux, devaient porter leurs fruits dans un esprit aussi ordinaire et aussi prosaïque que celui de Paul. Sa passion pour Lise ne lui avait donné que passagèrement les qualités d’un véritable artiste. Il y avait toujours en lui un fond bourgeois dont il ne s’affranchissait que lorsque ses sens ou sa vanité le dominaient. Quant à sa jalousie, elle ne s’éveillait vraiment que pour lui servir de prétexte, car il avait en sa femme une confiance absolue. Elle en était digne à tous égards.

Les choses en étaient là rue d’Assas, où rien ne semblait réellement changé, lorsque, quatre mois après ses couches, Mme Meyrin parla à son mari de réunir quelques amis. Sa stupéfaction fut grande à cette réponse de Paul :

— Pourquoi faire ? Vivons donc un peu plus pour nous. Est-ce que ce n’est pas assez de recevoir notre famille, Mme Daubrel et Dumesnil ? Avec eux au moins, tu n’as pas besoin de te mettre en frais de toilette, comme t’y obligeaient nos soirées dans mon atelier.

La fille de Madeleine crut d’abord qu’elle avait mal entendu, mal compris, et ses yeux exprimèrent si bien toute sa surprise que le peintre ajouta, en la prenant dans ses bras :